les amitiés spirituelles

L’Union divine par Sédir

Dès que le désir du Ciel s’établit en nous à demeure, voici la pierre de touche de nos décisions : Que ferait Jésus à ma place, dans la circonstance présente ?


D’autre part, l’état de prière devient habituel à quiconque s’est persuadé de son propre néant. Celui-là sait bien que tout ce qu’il pense et tout ce qu’il réalise peut être pensé avec infiniment plus de rectitude, peut être accompli avec infiniment plus de plénitude ; les types idéals des choses créées resplendissent dans le Trésor de Lumière sous des formes angéliques. Il s’agit de les faire descendre jusqu’à nous, par le dénudement des convoitises, par l’humilité où nous amène l’expérience de nos petitesses et de nos infirmités.


C’est l’Esprit qui opère dans tous les modes selon lesquels le Ciel nous visite : quiétudes, ravissements, extases, révélations ou miracles. Ces leçons embrassent l’univers. Partout, l’Ange conduit le disciple : dans le sein de la terre, dans les abîmes, dans les soleils, dans les océans fluidiques, dans le passé, dans l’avenir, jusqu’aux confins du Néant. Selon la mesure où le disciple se renonce, les vérités habitent en lui, les êtres lui murmurent leurs secrets, et les choses aussi ; et, pour soutenir le poids formidable de ces mystères, il ne peut s’appuyer que sur l’approfondissement de sa petitesse et sur la solidité de sa faiblesse.


Car toute notion est une charge ; toute connaissance entraîne une responsabilité ; nous sommes tous des saints Christophe ; l’Enfant Jésus, que nous portons sans le savoir, deviendrait vite trop lourd, s’Il ne donnait Lui-même à nos épaules la vigueur nécessaire. En Jésus, dans sa vie, dans ses travaux, dans ses peines sont exprimés les sciences, les arts et tous les arcanes, non pas en allégories, mais en évidentes réalités. Il faut seulement que nos yeux soient ouverts.


Que cette compréhension mystique ait lieu par le sensible, ou le psychique ou l’intellectuel, elle reste indicible et ineffable ; essentiellement expérimentale, elle donne d’un coup la science et son application et l’idée avec le pouvoir ; elle est vraie enfin, et toute belle parce que toute bonne.


Au cours de cette école passent, par intervalles, les éclairs de l’Union.



L’union


Tout ce que l’on pourrait dire de l’Union divine est vain. Personne n’est encore parvenu que jusqu’au seuil.


Etre uni, c’est vivre par delà le temps et l’espace ) tous les temps et tous les espaces ; c’est avoir subi sans mourir l’horreur indicible du Néant ; c’est soutenir la vue de Dieu sans que cette fulguration ne nous volatilise.


Cela ne peut se faire avant que tous, nos corps et nos fluides et nos intelligences, aient été lavés des dernières traces du mal.


Cela exige qu’on n’ignore plus rien des choses de la terre, des secrets du zodiaque et des mystères des constellations ; qu’on ait expérimenté toutes les formes de l’existence ; que toutes les joies même les plus augustes aient perdu leur saveur, et toutes les souffrances, leur âpreté.


Etre uni, c’est se sacrifier constamment, partout, spontanément ; c’est ne plus connaître la crainte de se perdre ; c’est ne plus pouvoir se troubler.


Etre uni, c’est ne plus rien désirer : ni la beauté des archanges, ni la vie glorieuse des dieux, ni la vie abstraite des transcendances.


Etre uni, c’est se sentir un néant ; c’est s’être travaillé si à fond, c’est être recuit au feu de tant d’épreuves, qu’en nous il ne reste plus rien qui soit nous. C’est avoir si longtemps traîné nos chaînes qu’elles se soient usées, qu’elles tombent de nos chevilles. C’est être capable de recevoir la Liberté.


Etre uni, c’est pouvoir distinguer Jésus sous tous les vêtements, sous les plus splendides et sous les plus vils. C’est avoir reconquis l’innocence primitive, si bien que nulle humble bête de la terre ne s’effarouche plus à notre aspect et que nul formidable Démiurge ne nous fasse plus trembler.


Cependant, quiconque accomplit l’une des sept perfections, possède les six autres. Les états que décrivent les docteurs : le rapt, le ravissement, l’ivresse, le sommeil mystique, les touches divines, les blessures d’amour, les noces spirituelles, la vision béatifique, ne constituent qu’un fragment de la très longue liste des expériences de l’Union. Si le simple corps physique est un organisme tellement compliqué que les plus savants n’arrivent pas à le connaître, notre personnalité complète, qui communique avec la multitude des mondes, apparaît comme indéchiffrable ; tout ce que les plus sages parmi les hommes ont dit de l’homme n’est qu’une fraction infinitésimale de ce qu’il y aurait à savoir.


Ici donc, il faut se taire. Ici s’élève seul le chant toujours neuf de l’Amour ; ici, ses ailes se déploient librement, son sang coule à flots ; il enflamme l’univers du Zénith au Nadir, il lui verse sa splendeur omnipénétrante, il comble tous les abîmes, il réalise tous les impossibles.


Ici, la créature a payé sa dette aux pierres, aux plantes, aux animaux, aux instincts, aux passions, aux idées, aux hommes, aux patries, aux religions, ) aux démons, aux esprits et aux dieux. Elle est libre.


Libre, elle peut s’envoler d’Aldebaran à Antarès, de Neptune à la Lune, du Ciel à l’Enfer.


Libre, elle peut s’entretenir avec tous les êtres, se réjouir de toutes les beautés, s’enrichir de tous les trésors ; mais libre, elle donne tout parce que le Père lui a tout confié. Elle est plus forte que les dieux, plus splendide que les Anges : elle est l’Homme.


Et dans le suprême effort de toutes ses puissances intégralement reconquises, elle offre au Père cette liberté précieuse, au Père qui l’a aidée, par le moyen du Fils à parfaire lentement le long des siècles le Grand’oeuvre intégral.


Elle se charge librement des chaînes bénies de l’Amour. Elle peut tout. Mais elle ne fera plus un geste sans en demander la permission à son Seigneur ; tous les secrets lui sont ouverts, mais elle n’interrogera plus jamais que pour les besoins de sa mission ; toutes les portes tombent devant elle, mais à chaque gardien, elle paiera quand même le prix de son passage.


Puisse notre Jésus, après avoir encore lavé nos pieds, nous prendre tous dans Ses bras miséricordieux et nous faire asseoir à Sa table pour l’Éternité.


Extrait d’un écrit de Sédir

(Bulletin des A.S. De juillet 1933)

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